Le gouvernement s’est engagé à relever le défi de la prise en charge de la dépendance[1], en lançant une concertation « Grand âge et autonomie ». Le but : une nouvelle loi pour réformer les réponses apportées aux problématiques du vieillissement. Le rapport Libault remis jeudi à la ministre de la Santé préconise 175 mesures pour atteindre cet objectif. Ces orientations s’articulent autour de trois grands axes : une amélioration de l’offre en établissement et à domicile, un coup de pouce pour les métiers du grand âge et une réduction du reste à charge. Un programme ambitieux pour lequel un financement public est recommandé.

Pourquoi une nouvelle loi autonomie est-elle envisagée ?

La loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement (ASV) est récente. Pourtant le défi de la dépendance est toujours aussi présent à l’esprit des Français et du gouvernement. En témoigne la consultation citoyenne : « Comment mieux prendre soin de nos aînés ? », qui a mobilisé près d’un demi-million de Français fin 2018. Initiative de la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, la concertation vise à mieux répondre au défi démographique que connaît la France et à préparer une nouvelle loi d’ici l’automne.

Jeudi 28 mars 2019, le gouvernement est passé à la deuxième étape sur le chemin d’une réforme de la prise en charge de la dépendance. L’ancien directeur de la Sécurité sociale, Dominique Libault, a remis à la ministre un rapport de plus de 200 pages. Le document décrit les conclusions d’une concertation de six mois, avec les principaux concernés (seniors et aidants) et les professionnels du secteur.

Le constat est simple : la France vieillit et la perte d’autonomie doit être considérée comme un risque social, à couvrir efficacement.

  • D’ici 2050, le nombre de personnes de 85 ans et plus devrait plus que tripler et atteindre le chiffre de 4,8 millions.
  • Le nombre de personnes âgées dépendantes devrait bondir de 1,3 million à 2,2 millions d’ici 2050.

D’après le rapport Libault, les solutions de prise en charge sont aujourd’hui insuffisantes et doivent être adaptées pour relever les défis liés au grand âge :

  • L’offre en maisons de retraite médicalisées est trop faible: il faudrait ajouter près de 130 000 lits aux quelque 608 00 places aujourd’hui disponibles en établissements d’hébergement pour personnes âgées (Ehpad[2]) pour répondre aux besoins d’ici 2030 ;
  • Le reste à charge moyen d’un accueil en établissement s’élève en moyenne à 1 800 € pour le résident et sa famille ;
  • Les services d’aide à domicile manquent de mains-d’œuvre ;
  • La prévention de la dépendance doit être améliorée.

Que propose le rapport Libault pour une meilleure prise en charge de la dépendance ?

Le rapport de l’ancien directeur de la Sécurité sociale énumère 175 mesures à mettre en œuvre pour améliorer la prise en charge de la dépendance et permettre à la France de faire face au défi démographique.

Parmi ces propositions, une dizaine sont mises en exergue et constitueront certainement la base de la nouvelle loi relative à l’autonomie au grand âge :

  • La création d’un réseau de Maisons des aînés et des aidants, au maillage international. Le but : regrouper l’ensemble des lieux d’informations aux personnes âgées et aux aidants (CLIC, MAIA, plateformes de répit, etc.) au sein d’un guichet unique, pour faciliter leurs démarches.
  • Un coup de pouce pour améliorer l’attractivité des métiers du grand âge et le professionnalisme des intervenants. Le rapport recommande de consacrer au secteur de l’aide à domicile[3] 550 millions d’euros d’ici 2024. Il propose d’instaurer une tarification de référence de 21 € l’heure d’aide à domicile, avec une bonification éventuelle de 3 €.
  • Une hausse de 25 % du taux d’encadrement en Ehpad, d’ici 2024. Le but : augmenter de 80 000 personnes le personnel soignant en maison de retraite.
  • Une fluidification du parcours de santé et d’autonomie des seniors. Il s’agirait d’un mieux organiser l’admission directe des aînés ayant plusieurs pathologies dans les services hospitaliers correspondants, sans passer par les urgences.
  • Un changement de l’offre médico-sociale. Le rapport propose de la restructurer, grâce à une dotation de 150 millions d’euros par an pour augmenter le nombre d’alternatives à l’hébergement permanent en maison de retraite : accueils temporaires, accueils de jour (notamment itinérants), etc. Une autre enveloppe de 150 millions d’euros permettrait d’améliorer la qualité de l’accueil dans les établissements.
  • Une rénovation des Ehpad, surtout publics. Le budget proposé pour ce projet s’élèverait à 3 milliards d’euros en dix ans. Il s’agirait notamment d’améliorer l’architecture et de créer de petites unités de vie (15 à 20 résidents) dans les résidences.
  • La création d’une nouvelle « prestation autonomie », pour remplacer l’allocation personnalisée d’autonomie (APA à domicile). Cette aide couvrirait les aides humaines et techniques, ainsi que les solutions de répit et d’accueil provisoire. Le rapport propose également de fusionner les tarifs dépendance et soins des Ehpad.
  • Une réduction importante du reste à charge en Ehpad. Le moyen : créer une aide permettant de baisser de 300 € le reste à charge des résidents ayant des revenus mensuels de 1 000 à 1 600 €. Le rapport Libault propose la création d’un « bouclier autonomie » pour annuler le reste à charge des résidents très dépendants, après 4 ans en établissement.
  • Un renforcement de la prévention de la dépendance. Il s’agit d’organiser des actions de prévention pour les personnes de 50 à 75 ans pour les aider à préserver leurs capacités au maximum.
  • Une meilleure reconnaissance du rôle essentiel des aidants. Le moyen : créer une indemnisation pour le congé de proche aidant. Il s’agirait d’une allocation journalière versée au salarié, comme pour le congé de solidarité familiale, permettant d’assister une personne en fin de vie[4].

Comment la réforme de la dépendance sera-t-elle financée ?

L’ensemble des mesures préconisées pour améliorer la prise en charge de la dépendance des personnes âgées ferait passer à 1,6 % du PIB la dépense publique liée au vieillissement en 2030 (contre 1,2 M en 2018). Il s’agit donc de trouver près de 10 milliards d’euros à consacrer à l’accompagnement des seniors et de leurs aidants.

Le rapport Libault repousse en effet la mise en place d’une assurance dépendance obligatoire. Il recommande d’intégrer le risque de dépendance au sein des lois de financement de la sécurité sociale.

Les recettes nécessaires aux propositions d’amélioration de la prévention et de la prise en charge de la dépendance proviendraient de deux sources :

  • Jusqu’en 2024 (date à laquelle la dette sociale sera amortie par la Caisse d’amortissement de ladite dette) : améliorer la gestion des dépenses de la Sécurité sociale et rediriger ses excédents vers le secteur du grand âge ;
  • À partir de 2024 : mettre en place un prélèvement social pérenne remplaçant la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS).

Le rapport recommande également de simplifier le recours au patrimoine des personnes âgées pour financer leur prise en charge, en cas de dépendance. Le moyen : développer des instruments dédiés, notamment :

  • des sorties en rentes viagères des produits d’épargne,
  • de meilleures solutions de viager,
  • un prêt viager d’hypothèque adapté aux besoins liés à la dépendance.

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Avatar auteur, Yaël A.
Yaël A.,Rédactrice chez Cap Retraite

1 Commentaire

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  1. VANNIER Isabelle

    De bien belles mesure et une prise en compte des années qui vont venir avec plus de personnes à prendre en charge
    Un point qui n’est pas mentionné pourtant, il n’y a plus d’infirmière dans les ehpad médicalisés, soit on les rebaptise en ehpad soit on remet des infirmière
    Mais, et là on marche sur la tête, pas de kiné dans les USLD???? Que des ergothérapeutes???
    Alors, la personne qui a besoin de kiné respiratoire pour survivre a le choix?
    Rester à l’hôpital: pas possible, pression de l’hôpital pour sortir, être placé dans un USLD et mourir?

    Répondre

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