L’équilibre de la société française change : le rapport des générations entre les jeunes et les seniors s’inverse petit à petit. Les personnes âgées représenteront un tiers de la population en 2060. Pour réussir cette transition démographique, un rapport parlementaire de la députée Audrey Dufeu Schubert expose près de 90 propositions. Point commun de ces recommandations : lutter contre l’âgisme et garantir la place des seniors dans la société.
Lutter contre l’âgisme pour adapter la France au vieillissement de la population
L’année 2019 aura été celle d’une réflexion autour du vieillissement de la population française. Les rapports se multiplient pour préparer le nouveau plan Grand Âge et Autonomie promis par le gouvernement d’Emmanuel Macron.
Sur la sellette aujourd’hui : l’âgisme, un fléau touchant les personnes âgées, au même titre que le sexisme et le racisme. Au regard du rapide changement démographique que connaît la France du XXIe siècle, la place et l’image des personnes âgées doivent changer.
Un nouveau rapport parlementaire, remis le 12 décembre par Audrey Dufeu Schubert, présente près de 90 propositions pour « Réussir la transition démographique et lutter contre l’âgisme ».
Ce document, fruit d’une mission confiée à la députée LREM par Édouard Philippe en juin dernier, approfondit les recommandations du rapport de Dominique Libault pour une meilleure prise en charge du grand âge. Le but : changer le regard sur les personnes vieillissantes et mieux inclure les seniors dans la société, grâce à des mesures-chocs à intégrer dans le futur plan Grand Âge et Autonomie.
Renforcer les droits des personnes âgées pour lutter contre l’âgisme
Les discriminations contre les personnes âgées, cet âgisme dénoncé et combattu par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), sont bien présentes en France. L’âgisme est lié à une représentation négative de la vieillesse, souvent vue comme un mal, voire une maladie menaçant la société et son équilibre économique.
Ces préjugés, assez loin de la réalité puisque seulement 8 % des seniors de 60 ans et plus sont limités dans leurs capacités physiques et cognitives, relèguent les personnes âgées au rang poids pour la société.
Audrey Dufeu Schubert préconise de renforcer les droits des seniors pour lutter contre l’âgisme sur les plans à la fois individuel, environnemental et sociétal.
Entre autres propositions, le rapport recommande :
- la création de « discriminations positives » à l’égard des personnes âgées: il s’agirait notamment d’imposer la présence de seniors parmi les preneurs de décisions les concernant, par exemple au sein des conseils d’administration et commissions des établissements publics (localités, hôpitaux) et même du Conseil supérieur de l’audiovisuel ;
- le remaniement de la grille AGGIR d’évaluation de la dépendance[1], de manière à donner la parole à la personne âgée et lui permettre d’exprimer ses désirs et choix de vie ;
- la création de « tiers citoyens » qui aideraient les seniors à faire respecter leur volonté, par exemple au sein des CLIC[2] et CCAS[3] ;
- une meilleure protection des consommateurs âgés : un plan d’action doit faciliter l’accès des seniors aux biens et services, notamment en luttant contre les critères d’âge imposés dans les crédits à la consommation. En outre, le principe de double signature devrait être généralisé pour prévenir les arnaques ;
- une reconnaissance de la place des seniors sur le marché de l’emploi : l’âgisme se rencontre sur le marché du travail et l’insertion professionnelle à partir de 55 ans devient plus difficile, alors que l’âge de la retraite recule. La députée recommande notamment de renoncer au bilan mi-carrière à 45 ans, qui doit être remplacé par une vision plus générale de l’emploi des seniors. Elle propose aussi de supprimer l’âge du candidat sur les CV.
Mieux reconnaître la place des seniors dans la société
Le rapport met en avant les craintes mutuelles qui existent entre les jeunes et les personnes âgées. Les premiers redoutent le coût de la solidarité du système des retraites, tandis que les seniors se méfient de la philosophie de la performance prônée aujourd’hui.
La députée préconise ainsi d’augmenter la formation des plus de 55 ans pour leur permettre de continuer à travailler et d’être reconnus par les entreprises. Elle conseille également de développer de nouveaux métiers de préparation à la retraite.
Un autre point important, récurrent dans les différents rapports, c’est l’importance de permettre aux personnes âgées de vivre là où elle le souhaite. La députée souhaite favoriser le maintien à domicile[4] et l’habitat partagé, grâce à diverses mesures :
- une mutualisation de l’APA et la PCH ;
- l’exonération de la CRDS (contribution à la réduction de la dette sociale) sur les assurances-vie des seniors en perte d’autonomie (GIR[5] 1 à 3) pour leur permettre d’aménager leur domicile ou d’entrer en Ehpad[6] ;
- une aide fiscale aux personnes âgées qui louent une chambre étudiante : il s’agit d’aider les étudiants et de renforcer le lien intergénérationnel, en rendant la formule plus attractive ;
- une transformation des Ehpad en lieux ressources de proximité. Le but : permettre aux seniors résidant à domicile de profiter des services des maisons de retraite ;
- une mise à disposition des locaux des maisons de retraite publiques pour la tenue de bureaux de vote. Le but : changer le regard sur les Ehpad et les ouvrir sur la vie de la cité.
Pour lutter contre l’âgisme et changer le regard sur les seniors, la députée propose :
- l’organisation de compétitions sportives pour les personnes âgées, les Grey-Games,
- une amélioration de la visibilité des personnes âgées dans l’audiovisuel : les seniors sont victimes de l’âgisme à la télévision, où ils sont mal représentés.
Lever les tabous pour réconcilier les générations
Alors que l’expression « OK boomers » est aujourd’hui devenue le symbole d’une forme d’âgisme exprimé par les jeunes à l’égard des personnes âgées, la députée veut améliorer la communication entre les générations.
Plusieurs propositions visent à lever les tabous liés à l’âge :
- une meilleure reconnaissance de la sexualité des seniors (développement de la recherche, amélioration de la formation des médecins à l’accompagnement des femmes…) ;
- une resocialisation de la place de la mort (création de maisons d’obsèques civiles dans les villes…) ;
- un renforcement de la communication autour du dossier médical partagé et des directives anticipées ;
- une amélioration des soins palliatifs à domicile ;
- un renforcement des relations intergénérationnelles, notamment à l’aide du programme MONALISA ;
- la création d’un BAFA spécifique à l’animation auprès des seniors, le « Silver-BAFA » ;
- la création de contrats génération dans le cadre du service national universel, en faveur de l’accompagnement des aînés.
Permettre aux seniors d’être acteurs des mutations de la société
La société française fait face à trois types de mutations importantes, auxquelles les seniors doivent participer :
- transition énergétique,
- révolution numérique,
- transition démographique.
Pour ce faire, le rapport contre l’âgisme propose :
- le lancement d’un pacte local longévité : les localités doivent également se mobiliser pour poser un diagnostic local et global des besoins et attentes des seniors ;
- le déploiement de « Territoires amis des aînés », pour le développement de dispositifs visant à renforcer le lien social et l’aménagement du territoire ;
- la création de labels pour les produits tenant compte des particularités du vieillissement ;
- un développement accéléré des véhicules autonomes pour améliorer la mobilité des seniors ;
- la création d’une École universelle du Numérique, à la fois pour les jeunes et les seniors.
Les propositions pour lutter contre l’âgisme et améliorer la qualité de vie des Français de tous les âges, face au vieillissement de la société, ne manquent pas. Reste à voir lesquelles seront adoptées…
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[1] Dépendance
La dépendance de la personne âgée désigne le besoin d’aide pour réaliser les tâches de la vie quotidienne en raison de problèmes physiques ou mentaux.
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[2] CLIC
Le CLIC est un centre local qui aide les personnes âgées en fournissant des informations et des conseils sur les services et les aides financières disponibles, ainsi que les démarches…
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[3] CCAS
Le CCAS est un organisme local qui aide les habitants en difficulté, notamment les personnes âgées, en leur offrant des services sociaux et des aides financières.
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Le maintien à domicile permet aux personnes âgées ou dépendantes de vivre chez elles en recevant l’aide nécessaire pour rester autonomes et en sécurité.
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[5] GIR
Le GIR (Groupe Iso-Ressources) est un outil qui sert à évaluer le niveau d’autonomie des personnes âgées, en les classant selon leur besoin d’aide pour les activités quotidiennes.
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[6] EHPAD
Les EHPAD sont des établissements médicalisés qui accueillent des personnes âgées qui ont besoin de soins médicaux réguliers et d’une aide dans leur vie quotidienne.
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