Suspendu depuis mi-avril, l'examen de la proposition de loi sur le « bien vieillir » s'est achevé le 23 novembre à l'Assemblée. À la demande de la ministre des Solidarités, Aurore Bergé, les députés ont décidé des mesures qui forment la loi de programmation sur le grand âge.
Ce nouveau chapitre pour améliorer la prise en charge des personnes âgées pourrait être adopté d'ici fin 2024. En attendant, voici l'essentiel des grands changements retenus pour déterminer la trajectoire des finances publiques en matière d’autonomie des seniors, sur une période d'au moins cinq ans.
Comprendre les lois "Grand âge" et "Bien vieillir"
La "loi grand âge" et le plan sur le "bien vieillir" sont deux notions distinctes qui abordent différentes perspectives du gouvernement pour répondre au défi du vieillissement de la population française.
Loi Grand âge
La loi grand âge est une réforme annoncée par Emmanuel Macron en 2018 visant à encadrer la perte d'autonomie des personnes âgées. Ce projet législatif, constamment reporté par les politiques gouvernementales et les structures institutionnelles liées au vieillissement, a donné naissance à quelques mesures pour favoriser le maintien à domicile[2] et revaloriser les métiers du grand âge.
Bâtir la société du bien vieillir
"Bâtir la société du bien vieillir" représente un projet de loi consacré au grand âge, en réponse au souhait exprimé par 80 % des Français de vieillir chez eux. Ce plan aspire à instaurer de nouvelles mesures du point de vue social et santé visant à améliorer le bien-être des aînés et à promouvoir une qualité de vie individuelle optimale. Ses principaux objectifs sont d'adapter notre société aux réalités du vieillissement, de prévenir la perte d'autonomie, et d'améliorer la prise en charge globale des personnes âgées.
Les mesures Bien vieillir retenues par l'assemblée
Face à l'urgence de la situation avec l‘explosion du recours aux établissements d'hébergement, une insuffisance de personnel soignant et l’attente de 4.8 millions de seniors dépendants d’ici 2050, les députés de la majorité se sont accordés sur une série d'actions.
Création d’un guichet unique
Le guichet unique a pour objectif de centraliser les demandes d'intervention pour les personnes âgées résidant sur le territoire et d'analyser systématiquement leurs besoins avec un outil standardisé afin de les orienter vers le « bon » service.
Repérage de la maltraitance des personnes âgées
La proposition législative a également pour objectif d'optimiser la lutte contre la maltraitance. Le document envisage la mise en place d'une entité chargée de recueillir et de traiter les signalements de maltraitance à l'égard des adultes vulnérables. À la suite d'une enquête approfondie, cette entité sera en mesure d'effectuer des notifications auprès de l'autorité judiciaire.
Les parlementaires ont également soutenu des mesures en EHPAD[1] visant à "contraindre" les EHPAD privés à allouer une partie de leurs bénéfices à l'amélioration du bien-être de leurs résidents. L'introduction de nouveaux critères d'évaluation est également prévue, tels que le nombre de douches hebdomadaires, la durée des repas, l'état nutritionnel des résidents, ou encore le nombre de dispositifs de protection individuelle par résident.
Lutter contre l'isolement des personnes âgées
L'un des principaux volets de cette proposition de loi a pour objectif de prévenir la perte d'autonomie chez les personnes âgées. Il inclut :
- La création d'une Conférence nationale de l'autonomie, chargée de piloter la politique de prévention et de détailler ses fonctions. Cette conférence pourra s'appuyer sur un "centre national de preuves de prévention de la perte d'autonomie et de ressources gérontologiques", dont le rôle principal sera d'identifier les aides et les nouvelles technologies favorisant notamment le "soutien à domicile".
- Faciliter l'accès des services sociaux et sanitaires à des données recueillies. Par exemple, par l'action des maires, afin de repérer les personnes âgées en situation de handicap, ou souffrant de problèmes de santé qui sont isolées. Selon la Drees, plus de 500 000 aînés ne voient jamais leurs amis ou leur famille.
- Un statut de curateur ou de tuteur "de remplacement" pour éviter l'isolement d'une personne vulnérable en cas de décès de son tuteur.
- La création d'un guichet unique de l'autonomie au niveau départemental, visant à simplifier le parcours des personnes dépendantes.
- Le droit pour une personne résidant dans un établissement médical ou médico-social de recevoir des visites. Cette action a été ajoutée à la proposition de loi suite au traumatisme subi par de nombreuses familles pendant la crise du Covid-19, confrontées à l'impossibilité de rendre visite à leurs proches.
- Le financement de la mise en accessibilité des petits commerces grâce à un fonds dédié et en renforçant l'accessibilité des gares.
Encourager l'aide à domicile
La proposition de loi vise à apporter un soutien aux professionnels de l'aide à domicile[4]. Le texte prévoit notamment :
- L'établissement, sans phase d'expérimentation et au plus tard d'ici le 1er janvier 2025, d'une carte professionnelle spécialement conçue pour les intervenants au domicile des personnes âgées et des personnes handicapées. Cette carte a pour but de simplifier leur pratique quotidienne.
- Une aide financière annuelle de 100 millions d'euros est envisagée pour les départements soutenant la mobilité des professionnels de l'aide à domicile.
- Dans chaque département, une instance sera chargée du suivi, de l’analyse des alertes et de leur transmission au procureur.
- Les dispositifs de mise sous protection judiciaire seront sécurisés et simplifiés si nécessaire.
- La création d’un protocole pour accompagner les établissements dans la création de 50.000 emplois d'ici 2030.
- Une refonte du système de services d'aides à domicile, pour sortir de la logique de la tarification à l'heure.
Fin de l'aide alimentaire pour les petits-enfants
Les députés ont voté pour mettre fin à l'obligation des petits-enfants de participer financièrement à l'accueil de leurs grands-parents en EHPAD. Cette suppression concerne les situations où un aîné ne peut assumer les coûts de son hébergement en EHPAD sans recourir à une aide sociale[5].
Cette décision répond aux cas fréquents où des personnes hésitent à intégrer un EHPAD à la perspective de solliciter le soutien financier de leurs petits-enfants.
Bien que cette loi de programmation énonce les mesures et objectifs sur plusieurs années, les questions cruciales relatives au financement et à l'autonomie de l'État demeurent encore en suspens. Rendez-vous à l'été 2024 pour le prochain chapitre sur la réforme "Bâtir la société du bien vieillir".
Tableau récapitulatif des grands changements de la Loi Grand âge et Bien vieillir
Aspect | Détails |
---|---|
Loi Grand Âge | - Réforme initiée en 2018 par Emmanuel Macron. - Vise à encadrer la perte d'autonomie des personnes âgées. - Mesures pour favoriser le maintien à domicile et revaloriser les métiers liés au grand âge. |
Bien Vieillir | - Aspire à améliorer bien-être et qualité de vie des aînés. - Objectifs : adapter la société au vieillissement, prévenir la perte d'autonomie, améliorer la prise en charge des personnes âgées. |
Mesures Adoptées | - Création d'un guichet unique. - Lutte contre la maltraitance des personnes âgées[3]. - Nouvelles mesures en EHPAD. - Prévention de l’isolement et perte d'autonomie. - Encouragement de l'aide à domicile. |
Financement de la Réforme | - Établissement d'une carte professionnelle pour les intervenants à domicile. - Aide financière annuelle de 100 millions d’euros pour les départements. - Création de 50.000 emplois d’ici 2030. - Refonte du système de services. |
Impact sur les Familles | - Fin de l’aide alimentaire obligatoire pour les petits-enfants envers les aînés en EHPAD. |
Prochaines Étapes | - Questions de financement et autonomie de l’État en suspens. - Prochaine mise à jour prévue pour l'été 2024. |
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[1] EHPAD
Les EHPAD sont des établissements médicalisés qui accueillent des personnes âgées qui ont besoin de soins médicaux réguliers et d’une aide dans leur vie quotidienne.
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Le maintien à domicile permet aux personnes âgées ou dépendantes de vivre chez elles en recevant l’aide nécessaire pour rester autonomes et en sécurité.
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[3] Maltraitance des personnes âgées
La maltraitance des personnes âgées désigne des actions ou des négligences qui causent du dommage ou de la souffrance aux personnes âgées, comme la violence, l’abus financier ou le manque…
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[4] Aide à domicile
L’aide à domicile est un service qui accompagne les personnes chez elles en leur apportant une assistance pour les tâches de la vie courante, comme le ménage, les courses, ou…
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[5] Aide Sociale
L’aide sociale est une assistance financière fournie par l’État pour aider les personnes en difficulté à couvrir des besoins essentiels, comme le logement ou les soins en établissement.
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