Les affections de longue durée (ALD) menacées ? Suite à la publication du PLFSS 2025, l’Inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) proposent des pistes de réforme pour repenser l’ALD. Un des piliers de la Sécurité sociale qui couvre 20 % des Français touchés par des maladies chroniques graves. En cause ? Le dépassement des dépenses de santé (pour les soins de ville, l’hôpital) et l’augmentation des arrêts maladie (+50 % en 8 ans). Si leurs propositions mises en œuvre dès 2025 pourraient dégager au moins 500 millions d’euros d’économies, elles lancent le débat vers un accès restreint aux soins ou une solidarité réinventée… Décryptage.

L’ALD : un dispositif en crise ?

À l’heure où les ressources médicales se raréfient et où les déficits de la Sécurité sociale se creusent, les ALD apparaissent comme un secteur clé de la réforme, mais incontournable pour l’avenir de la santé publique.

L’ALD : une aide historique 

Les affections de longue durée (ALD), instaurées dès la création de la Sécurité sociale en 1945, exonèrent du ticket modérateur (la part des frais médicaux non prise en charge par l’Assurance maladie) les patients atteints de maladies chroniques graves et coûteuses. 

Ce soutien financier s’applique aux consultations, examens, traitements et certains actes ou médicaments, à condition qu’ils soient en lien avec les 29 pathologies reconnues comme ALD : le diabète, les maladies cardiovasculaires, de nombreux cancers, les troubles psychiatriques de longue durée, ou encore des maladies rares nécessitant des traitements lourds… 

réforme de l'ALD en 2025 ?

Les défis démographiques et sanitaires

Peu modifié depuis 1986, la soutenabilité financière du système des ALD est aujourd’hui remise en question par le vieillissement de la population, l’explosion des maladies chroniques et les progrès dans le diagnostic et les traitements médicaux qui augmentent le nombre de bénéficiaires du dispositif.

En 2021, 13,7 millions de Français, soit près de 20 % de la population, étaient déjà pris en charge au titre des ALD. Ce chiffre pourrait grimper à 16 millions d’ici 2030. Parallèlement, le coût global de ce dispositif, estimé à 12,3 milliards d’euros en 2021, pourrait atteindre 15 à 16 milliards d’euros à la fin de la décennie.

Réforme de l’ALD : les propositions du rapport IGF-IGAS

En plus des propositions classiques d’économie telles que : 

  • Réguler les prix des médicaments et les tarifs des laboratoires ;
  • Promouvoir les génériques et des prescriptions plus pertinentes ;
  • Lutter contre la fraude et l’augmentation des franchises (déjà prévue pour 2024)…

Le rapport avance plusieurs pistes de réforme de l’ALD pour assurer la pérennité financière face à l’explosion des coûts.

Recentrer sur les pathologies les plus graves

Une des propositions phares consiste à recentrer le dispositif sur les maladies les plus lourdes et invalidantes. Les critères d’éligibilité aux ALD excluraient les maladies chroniques jugées moins coûteuses ou moins graves comme le diabète de type 2 ou l’hypertension, si elles ne présentent pas de complications sévères.

Introduire deux niveaux d’ALD

Une autre piste envisage la création de deux niveaux distincts d’ALD : 

  • Le premier exonère en totalité les pathologies graves nécessitant des soins intensifs. 
  • Le second rembourse de manière partielle ou plafonnée des pathologies chroniques moins invalidantes. 

Avec cette hiérarchisation, les ressources se concentrent sur les patients les plus vulnérables, tout en responsabilisant ceux dont les traitements sont jugés moins coûteux.

Fiscaliser les indemnités journalières

Actuellement exonérées d’impôt[1], les indemnités journalières versées aux patients en ALD lors d’un arrêt maladie pourraient être fiscalisées. Cette mesure générerait de nouvelles recettes pour l’Assurance Maladie et encouragerait un retour plus rapide à l’emploi, lorsque cela est médicalement possible.

Supprimer l’exonération pour certains médicaments ou actes 

Enfin, le rapport propose de supprimer l’exonération du ticket modérateur pour certains médicaments ou actes jugés non essentiels ou peu efficaces dans le cadre du traitement des ALD (traitements complémentaires ou examens de suivi non critiques).

changement des conditions de remboursement de l'ALD

Un reste à charge maximum universel 

Une proposition plus radicale envisage de remplacer les ALD par un reste à charge maximum universel pour tous les patients, plafonné à 1 000 euros par an. 

Améliorer les contrôles

Enfin, bien que le système actuel repose sur des critères médicaux précis, le rapport IGF-Igas souligne l’importance de renforcer les contrôles à chaque étape du processus (admission, renouvellement, prescriptions) pour garantir l’équité et éviter les abus.

Les objectifs économiques derrière la réforme de l’ALD 

Ces suggestions ne sont pas uniquement techniques : elles répondent à des objectifs financiers pour garantir la viabilité du système de santé.Selon les projections du rapport, les économies espérées grâce à ces mesures sont significatives :

  • Plusieurs centaines de millions d’euros par an récupérés avec la fiscalisation des indemnités journalières. 
  • 500 à 700 millions d’euros envisagés, en limitant l’accès au dispositif aux pathologies graves. 
  • 300 millions d’euros par an estimés avec la réduction des exonérations pour certains médicaments et actes
  • 800 millions d’euros avec le reste à charge universel, qui pénaliserait toutefois 82 % des bénéficiaires actuels.

Au total, la réforme pourrait générer jusqu’à 870 millions d’euros en 2025 et 3,4 milliards d’euros en 2027, une somme non négligeable dans un contexte de déficits croissants.

Les associations et bénéficiaires de l’ALD sous tension 

Chez les associations, ces propositions font débat. Si certaines saluent la volonté de rationaliser les dépenses, d’autres dénoncent : 

1- Un risque de renoncement aux soins : selon les chiffres de la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques), près de 10 % des Français renoncent déjà à des soins pour des raisons financières. Pour les patients exclus du dispositif ou confrontés à une hausse de leurs frais de santé via les primes des complémentaires santé ou un reste à charge accru… Ces mesures creusent les inégalités sociales de santé chez les populations les plus vulnérables (personnes âgées, chômeurs, travailleurs précaires) atteintes de maladies chroniques nécessitant des traitements longs et coûteux.

2- Un manque de concertation vis-à-vis des besoins réels des patients et de leurs difficultés financières.

Pour sensibiliser l'opinion publique et alerter les décideurs politiques, la Fédération des associations de patients atteints de maladies chroniques a lancé une pétition en ligne, soulignant l'importance de défendre un système de santé juste et accessible pour tous.

Avec l’augmentation prévue des bénéficiaires et des coûts, le gouvernement souhaite, via cette réforme, assurer la soutenabilité financière des ALD tout en maintenant une prise en charge équitable pour les patients les plus fragiles. L’objectif est double : éviter une augmentation généralisée des cotisations ou un effondrement du système, tout en répondant aux enjeux liés au vieillissement de la population et à l’essor des maladies chroniques.

Note de l’article (529 votes)

Cet article vous a-t-il été utile ?

Notez cet article afin de nous permettre d’améliorer nos contenus.

Commentaires (85)

Réagissez, posez une question…

  1. Catherine Toure V....

    Bonjour, je suis en ALD pour une maladie auto himune aggravé et j’ai un traitement très lourd et très coûteux,je ne conduis pas donc pour mes rendez vous en consultation je fais appel à un VSL, il est certain que si la réforme aboutit je ne pourrais plus avoir accès à mon suivi, à mes traitements car j’ai peux de revenus, il me restera juste la solution ultime à savoir le suicide car mes souffrances seront t’elles qu’elles rendront ma vie insupportables. C’est vraiment dégueulasses de venir gratter sur le dos des malades en ALD!!!

    Répondre
Voir plus de commentaires

Les derniers articles

Articles les plus recherchés

Nos dossiers sur ce thème

Les différents types de maisons de retraite

Le terme général de maison de retraite inclut un ensemble d'établissements. Pour bien choisir, il est important de distinguer les diverses formes d'hébergements pour personnes…

En savoir plus

EHPAD

L'Ehpad est le type de maison de retraite le plus répandu en France. Son statut juridique et sa structure font de l'Ehpad le lieu d'accueil…

En savoir plus

Les résidences services séniors

En plein développement et de plus en plus abordables, les résidences services séniors sont des logements, à l'achat ou en location, destinés aux personnes âgées…

En savoir plus

Les tarifs des maisons de retraite

Dans un objectif de plus grande transparence des prix, des nouveautés au niveau des affichages de tarifs de maisons de retraite sont entrées en vigueur…

En savoir plus

L'entrée en maison de retraite

Cette rubrique prodigue des conseils destinés aux familles qui souhaitent aider leurs proches âgés à réussir leur entrée en maison de retraite. En effet, il…

En savoir plus

La bientraitance en maison de retraite

Les personnes âgées en perte d'autonomie ou dépendantes sont très souvent dans une situation de vulnérabilité et de fragilité. Il est donc primordial de leur…

En savoir plus

Le quotidien en maison de retraite

Les journées en maison de retraite sont, pour la plupart, rythmées de manière similaire. Cette rubrique s’articule autour du quotidien de nos aînés en maison…

En savoir plus

Les professionnels en maison de retraite

Pour qu’une résidence pour personnes âgées s’organise de manière optimale, elle doit s'articuler autour d'une répartition de rôles, bien précise. En premier lieu, nous aborderons…

En savoir plus

Perte d'autonomie

Prévenir la dépendance est primordial pour bien vieillir. Si la perte d’autonomie s’installe, il existe des solutions pour garantir une bonne qualité de vie.

En savoir plus

Maintien à domicile

Le maintien à domicile au grand âge est un défi. Pour le relever en toute sécurité, il doit être préparé minutieusement.

En savoir plus

Accidents et chutes à domicile

Les chutes sont un véritable fléau pour les personnes âgées. Les accidents à domicile peuvent être évités en prenant des mesures adaptées.

En savoir plus

Aménagement du domicile

Adapter son logement au vieillissement permet de continuer à vivre à domicile en toute sécurité. La perte d’autonomie impose divers aménagements.

En savoir plus