Les personnes âgées hospitalisées seraient-elles particulièrement vulnérables à une infection à Clostridium difficile ? C’est ce qu’a révélé une étude présentée fin novembre 2024 lors du congrès annuel de la Société Française de Gériatrie[1] et Gérontologie[2] (SFGG). Menée par le Dr Rocco Collarino, de l’hôpital Bicêtre (AP-HP) et de l’université Paris-Saclay, cette recherche met en lumière un risque quadruplé d’infection chez les patients de plus de 85 ans. Potentiellement mortelle, cette bactérie semble particulièrement menaçante pour les personnes hospitalisées, notamment celles sous certains antidépresseurs. Décryptage.

Qu’est-ce que le Clostridium difficile ? 

La C. difficile, ou Clostridioides difficile (anciennement appelée Clostridium difficile), est une bactérie responsable d’infections intestinales. Présente naturellement dans l’environnement et l’intestin, la C. difficile prolifère au moindre déséquilibre du microbiote intestinal, souvent associée à la prise prolongée d’antibiotiques. 

En plus de détruire les bactéries responsables de l’infection ciblée, elle s’attaque aussi à certaines « bonnes » bactéries de votre intestin et libère des toxines A et B qui irritent et endommagent la paroi intestinale. 

S’ensuit des troubles gastro-intestinaux, allant de diarrhées bénignes à des colites sévères, et même des complications graves comme une déshydratation sévère ou une perforation intestinale.

LIRE AUSSI : Les 5 maladies infectieuses les plus fréquentes chez les personnes âgées

Clostridium difficile et antidépresseur : que révèle l’étude ?

L’étude menée par le Dr Collarino révèle que les antidépresseurs, largement prescrits aux patients âgés hospitalisés, ont une action sur la composition du microbiote et le risque de Clostridium difficile…

Contexte et méthodologie

Entre octobre 2016 et mars 2024, une étude a été menée sur des patients de 75 ans et plus hospitalisés en gériatrie à l’hôpital Paul-Brousse, à Villejuif. L’objectif principal était de déterminer si la prise d’antidépresseurs augmentait le risque d’infection à Clostridium difficile, indépendamment de l’usage d’antibiotiques, chez les personnes âgées hospitalisées.

infection au clostridium difficile

Pour cela, une étude cas-témoins rétrospective a comparé 134 patients ayant contracté une infection à C. difficile à 17 016 témoins non infectés. Les chercheurs ont analysé plusieurs facteurs : 

  • l’âge et le sexe,
  • la prise d’antibiotiques, 
  • les comorbidités, 
  • la présence de dépression[3], d’anxiété ou de démence. 

Des comparaisons ont également été effectuées entre les patients souffrant de troubles dépressifs ou anxieux et ceux qui n’en présentaient pas, ainsi qu’entre ceux sous antidépresseurs et ceux qui n’en prenaient pas.

Résultats

L’étude révèle un lien entre la prise d’antidépresseurs et un haut risque d’infection à Clostridium difficile. Les patients infectés étaient plus souvent sous antidépresseurs (50,7%) que les témoins non infectés (38,4%), avec un risque estimé par un odds ratio (OR) de 2,5 chez les patients déprimés et de 2 chez les non déprimés. 

Bien que certaines molécules, comme l’escitalopram, la paroxétine, la venlafaxine et le citalopram, aient été associées à ces infections, aucune différence statistiquement significative n’a été observée entre elles. 

D’autres facteurs de risque ont également été identifiés chez les patients infectés :

  • Une plus forte prévalence à la dépression (25,4% vs 13,2%), 
  • Une augmentation de démence (55,8% vs 40%, OR de 1,7), 
  • Des hospitalisations plus longues, 
  • L’usage d’antibiotiques, favorisant la dysbiose intestinale, plus fréquent chez les cas infectés (85,8%) que chez les témoins (43%).

En attendant la confirmation du lien entre certaines molécules et cette infection, la vigilance est de mise dans la prescription d’antidépresseurs, en particulier chez les patients âgés hospitalisés présentant des comorbidités.

Quels traitements en cas d’infection à C. difficile ? 

En cas de symptôme de C. difficile, vérifié par analyse de selle, il est recommandé de reconstruire sa flore intestinale.

Changer d’antibiotique 

Si une personne atteinte de colite à C. difficile présente une diarrhée alors qu’elle est sous antibiotiques, son traitement est immédiatement arrêté s’il n’est pas indispensable. Les symptômes disparaissent généralement dans les 10 à 12 jours. Si les symptômes sont sévères ou persistent, les personnes malades reçoivent généralement un antibiotique efficace contre C. difficile (le métronidazole ou la vancomycine).

Les rares interventions chirurgicales sont réservées aux cas les plus graves.

Régime alimentaire adapté 

traitement c.difficile

Pour améliorer la digestion et renforcer l’immunité, il est recommandé au patient de suivre un régime alimentaire riche pendant plusieurs semaines : 

  • en prébiotiques (poireaux, ail, choux…),
  • en probiotiques (kimchi, kéfir, kombucha, tempeh, miso, yaourt, choucroute…) pendant plusieurs semaines, 
  • en protéines (viande blanche ou œufs, légumineuses, céréales, pain complet)

À éviter : 

  • les fritures, les épices qui irritent la paroi intestinale,
  • la viande rouge qui acidifie,
  • les produits transformés comme les gâteaux, les viennoiseries.

La fatigue, autre symptôme de l’infection à C. difficile, impose un apport en vitamine C (kiwi, agrumes, fruits rouges, brocoli, persil) et en magnésium (chocolat noir). 

Enfin, pour pallier le risque de déshydratation dangereux d’une diarrhée chez la personne âgée, une hydratation intense est nécessaire.

Éviter les rechutes

Près d’un tiers des patients initialement guéris rechutent dans les 2 à 8 semaines suivant l’infection. Pour prévenir ces récidives, les médecins recommandent :

  • L’administration de gélules orales de greffe de microbiote fécal ou d’une suspension fécale de microbiote.
  • Une hygiène rigoureuse, comme se savonner les mains après chaque passage aux toilettes et avant de manger.

Après l’identification de la mouche domestique comme vecteur potentiel de transmission de Clostridium difficile en 2016, cette nouvelle étude souligne un autre facteur à surveiller : la prise d’antidépresseurs. Ce lien, observable même chez les patients non déprimés, met en lumière un risque important d’infection, particulièrement chez les personnes âgées hospitalisées. En complément des facteurs déjà connus, comme la démence, la dépression ou l’usage prolongé d’antibiotiques, ces résultats appellent à une vigilance renforcée dans la gestion des traitements médicamenteux en milieu gériatrique.

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