Cette semaine j’ai eu la chance de pouvoir échanger avec Isabelle Sénécal, responsable du Pôle Plaidoyer/Relations Presse de l’association Les Petits Frères des Pauvres. Depuis plus de 70 ans, l’association lutte contre l’isolement des personnes âgées. Aujourd’hui plus que jamais l’association milite en ce sens, prenant à partie les futurs maires et le grand public pour que tous collectivement nous prenions conscience de l’importance des liens sociaux, et travaillions ensemble contre l’isolement Dans cette interview, nous aborderons l’action de l’association. Nous nous attarderons sur la liste de 10 mesures proposées par Les Petits Frères des Pauvres pour encourager les candidats aux élections municipales à intégrer la lutte contre l’isolement de nos aînés dans leur programme.
L’isolement de nos aînés, un fléau
Depuis 3 ans maintenant, l’association édite un rapport annuel sur l’isolement en France. Une manière de sensibiliser le grand public à cette question, car oui, le constat est alarmant : dans l’Hexagone, 1 personne âgée sur 4 souffre d’isolement. Et parmi celles-ci, 300 000 sont en état de « mort sociale », privées de liens et des plaisirs simples et essentiels de la vie (Source : Rapport « Solitude et Isolement des personnes âgées, quels liens avec les territoires ? » par Les Petits Frères des Pauvres).
C’est pour en finir avec l’isolement que les Petits Frères des Pauvres œuvrent au quotidien pour recréer du lien social et pour changer le regard que notre société porte sur la vieillesse. Chacun de leurs rapports s’accompagne de constats et de préconisations en ce sens.
Dans le cadre des élections municipales, l’association a souhaité pointer du doigt les mesures pouvant être mises en place au niveau local pour plus d’inclusion : pour ce faire, elle a partagé avec tous les candidats aux mairies 10 mesures à intégrer à leur programme :
- Construire une politique territoriale de proximité contre l’isolement des aînés
- Rendre plus accessible l’espace public
- Encourager l’engagement citoyen et les solidarités de proximité
- Faciliter les mobilités de proximité
- Favoriser le maintien/le retour des services et commerces de proximité
- Développer des lieux d’animation et de convivialité là où habitent nos aînés
- Soutenir les innovations telles que les lieux de convivialité ou les commerces/services itinérants en milieu rural
- Soutenir le développement de petites structures d’habitat alternatif pour personnes âgées en ville, et développer l’habitat intergénérationnel
- Accompagner la lutte contre l’exclusion numérique de nos aînés
- Soutenir la politique sociale d’aide au départ en vacances des personnes âgées
Entretien avec Isabelle Sénécal, Responsable Pôle Plaidoyer/Relations presse de l’association Les Petits Frères des Pauvres
Coralie, de Cap Retraite : Comment ont été accueillies ces mesures ?
Isabelle Sénécal (IS) : Suite à la publication de ces mesures, de nombreux candidats aux mairies du territoire ont répondu à l’appel de l’association et souhaité nous rencontrer. Ils souhaitaient en savoir plus pour nourrir leur programme et leur réflexion.
Le résultat ? Beaucoup de programmes ont intégré la lutte contre l’isolement de nos aînés. Certaines propositions sont très détaillées, d’autres moins. Mais ce que nous retenons, c’est qu’il y a une vraie prise de conscience que la population française est aujourd’hui face à une longévité inédite, ce qui peut entraîner de l’isolement. La société a évolué, avec le risque de laisser les personnes de plus en plus âgées isolées. En prendre conscience, c’est essentiel, et on constate ces derniers temps et notamment avec les municipales que la question est entendue et que des propositions sont faites.
CB : Dans le contexte de l’épidémie de coronavirus qui sévit actuellement, les personnes âgées sont sous les projecteurs. Les Petits Frères des Pauvres n’ont eu de cesse d’alerter sur l’isolement social en opposition à l’isolement physique de nos aînés. Pouvez-vous revenir sur la question ?
IS : On le sait, les mesures d’éloignement physique sont des mesures de protection indispensables. L’association élève la voix pour que le confinement physique ne s’accompagne pas d’un confinement social.
Il y a des solutions, simples à mettre en place, pour maintenir le lien. Il faut absolument lutter pour ce dernier, car certaines personnes tiennent grâce à ce lien.
On sait que l’exclusion numérique peut être extrêmement pénalisante (pour le maintien du lien social, mais aussi pour la téléconsultation du reste), il faut donc faire preuve de solidarité et utiliser d’autres moyens, par exemple :
- Lorsque c’est possible, en leur téléphonant régulièrement.
- En leur envoyant une carte postale ou un petit mot, retrouvant ainsi le plaisir de prendre la plume !
- En communiquant via les outils numériques : pour les plus connectés, il est aussi possible de leur envoyer un message ou de communiquer par Facebook, WhatsApp, Messenger, Instagram, Twitter…
- En leur rendant service : faire les courses, déposer un courrier, aller chercher les médicaments… Le confinement et le manque d’autonomie de certaines personnes âgées peuvent compliquer leur quotidien. Demandez-leur de quoi elles auraient besoin et facilitez-leur la vie !
- En les invitant à contacter Solitud’écoute au 0 800 47 47 88 (appel anonyme et gratuit), la ligne d’écoute et de soutien téléphonique des Petits Frères des Pauvres, destinée aux personnes de plus de 50 ans souffrant de solitude et d’isolement (ouverte tous les jours y compris les week-ends et jours fériés de 15 h à 20 h).
CB : Vous mettez également en lumière l’indifférence dont nos aînés font parfois l’objet, et incitez à changer de regard sur la vieillesse. Pouvez-vous m’en dire plus ?
IS : Nous avons constaté dans certains propos tenus sur les réseaux sociaux de l’indifférence, de l’âgisme, ou en tout cas un certain fatalisme : on entend « le virus ne touche que les vieux, eh bien tant pis pour eux ». À cela nous avons voulu crier « NON ».
Les personnes âgées représentent 27 % de la population. Elles sont indispensables à notre société, on se doit d’y penser, de les protéger et surtout de ne pas avoir de propos désagréables envers elles.
Heureusement, il y a aussi et surtout des Français qui s’inquiètent de leurs proches âgés et en prennent soin. Nous prenons la parole pour mettre en avant cet état d’esprit avant tout.
Dans cette crise que nous traversons, la fraternité et la solidarité sont plus que jamais d’actualité, c’est ce que nous rappellent Les Petits Frères des Pauvres. Le regard que nous portons sur nos « vieux » et le soutien que nous leur manifestons sont autant d’actions en faveur d’une société plus inclusive envers ses aînés.
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