Célébrer l'anniversaire d'un proche atteint qui ne s'en souvient pas, devoir souvent lui répéter certains événements de base, ou encore le dur retour à la réalité de la maladie après un éclair de lucidité... Voici des exemples de situations souvent génératrices de chocs émotionnels pour les aidants de personnes atteintes d'une forme de démence ou de troubles apparentés.
Dans les derniers stades d'une maladie neurodégénérative d'un proche, comme la fin de vie de la maladie d'Alzheimer, l'aidant est en proie à des sensations ambiguës, à l'impression de ne plus reconnaître son parent. La présence mentale et affective de ce dernier s'efface au fur et à mesure que ses facultés cognitives déclinent. Pour le conjoint, l'enfant ou encore le frère et la sœur du malade, voir leur relation se dissoudre progressivement est une douleur intense. Une vague d'émotions entre colère, frustration et tristesse, semblable à ce que l'on ressent lors d'un deuil. Mais comment surmonter ce sentiment d'être orphelin avant l'heure, cette épreuve difficile que l'on nomme le deuil blanc ?
Première étape : comment reconnaître le deuil blanc?
Le deuil blanc est un deuil sans décès qui apparaît lorsque l'aidant familial doit faire face à la disparition progressive de la personnalité du parent, de leurs projets communs et même de leur reconnaissance mutuelle, alors qu'il est encore vivant.
Souvent, les aidants n'ont pas conscience de vivre un deuil blanc, car ils n'en ont jamais entendu parler. Pourtant, ils ressentent et doivent gérer des sentiments mêlant colère, impuissance, tristesse, culpabilité, frustration et manque… Identiques à ceux que l'on ressent lors d'un véritable décès.
Reconnaitre le deuil blanc, c'est accepter la perte de l'être aimé tel que nous l'avons connu… Un peu comme un deuil anticipé.
Une situation inhabituelle qu'il est primordial d'identifier, de comprendre et de nommer. Reconnaître que ce phénomène est normal est une première étape pour faciliter son processus. L’ignorer ne fait qu’accroître le chagrin.
Comment trouver sa façon de gérer ses émotions ?
Chaque personne a sa propre manière de gérer l'ambivalence entre amour et frustration envers son proche malade. On distingue généralement deux types de deuil blanc :
- Le « deuil intuitif », où l'aidant ressent le besoin d'exprimer ses flux d'émotions et de pensées auprès de son entourage, de groupes de soutien, de psychologues et du personnel soignant.
- Le « deuil instrumental », où l'aidant choisit d'internaliser son chagrin pour se concentrer sur l'analyse et l'action, en effectuant des recherches approfondies sur la pathologie, en s'occupant des démarches administratives et en gérant les soins. Bien souvent, cette suractivité entraîne de l'anxiété, de l'agitation ou de l'épuisement.
Se renseigner sur la maladie du parent
En savoir plus sur la maladie du proche est aussi une étape importante pour surmonter le deuil blanc.
À l’annonce d'une maladie neurodégénérative, il est nécessaire de comprendre tous les stades de la pathologie et de se préparer aux transitions successives. En effet, ces maladies entraînent des changements physiques, des troubles comportementaux et émotionnels difficiles à gérer et à accepter d'une personne que l'on a connue si différente.
Parmi ces symptômes, on trouve des crises de paranoïa, des pertes de mémoire, de l'agressivité involontaire, ainsi que des symptômes dépressifs.
Pour supporter cette pression, l'aidant doit savoir quelle attitude adopter face au comportement changeant du parent. Voici quelques ressources à sa disposition :
- Des rendez-vous aux ateliers-rencontres organisés par des associations d'aidants de sa région.
- La consultation de sites spécialisés sur la pathologie de son proche.
- Le contact avec des organismes pouvant répondre à ses questions.
- La recherche d'informations sur les symptômes associés aux différents stades de la maladie, grâce aux retours d'expérience dans les forums et groupes de discussion, ainsi qu'en se rapprochant du personnel soignant, du neurologue et des différents intervenants à domicile.
Sans se surcharger d'informations, l'aidant doit se documenter un minimum pour éviter de s'enfoncer dans une boucle d’irritation sans intérêt.
Comment faire pour alléger la charge émotionnelle ?
Au fur et à mesure du déclin de son parent, l'aidant se retrouve souvent fragilisé par la fatigue et les tensions liées à la maladie. De plus, la perspective de la fin de vie[1] imminente du proche ajoute une pression constante, comme une épée de Damoclès suspendue au-dessus de sa tête.
Voici quelques conseils pour préserver son équilibre émotionnel :
- S'entourer de soutien et se confier, notamment auprès des groupes de soutien et d'échanges, ainsi que des sociétés spécialisées dans les maladies comme Alzheimer ; des professionnels de la santé, des intervenants du réseau de la santé et des services sociaux; de l'entourage proche : la famille, les amis ou les collègues de confiance.
- Rejoindre et participer à un groupe de soutien pour combler la solitude, se sentir compris et écouté sans jugement extérieur. Ces rencontres sont riches d'outils et de ressources pour garder le moral et adoucir le quotidien.
- Prendre du temps pour soi, grâce entre autres, au placement temporaire en EHPAD. Cette solution de prise en charge en établissement permet de dégager quelques heures ou quelques jours pour souffler, se recentrer sur son bien-être mental et physique, se reconnecter avec la famille et conserver de l'énergie pour des activités entre amis. Pour rappel, prendre soin de soi, c'est pouvoir continuer à prendre soin de votre proche malade.
Accepter les changements du proche malade
Maintenir une relation affective avec son parent malgré ses changements de comportement représente un équilibre délicat à trouver. Cela demande d'accepter que cette évolution fait partie intégrante de la maladie.
Or, l'aidant éprouve souvent des émotions similaires à celles d'une personne ayant perdu un être cher, comme si son proche n'était déjà plus là. Bien qu'il continue d'aimer son parent, il souffre de ne plus le reconnaître. Ce sentiment peut entraîner une forte culpabilité, accompagnée parfois d'une envie de rejeter son proche qui n'est plus comme avant. Alors qu'en même temps, une partie de lui s'accroche à des petits moments de lucidité…
Bien que différents, les échanges avec le parent conservent toute leur valeur. La personne malade reste un être humain avec des émotions, des sentiments et un besoin de proximité.
L'objectif est de continuer à lui apporter un quotidien décent, de l'amour, sans lui faire ressentir votre mal-être ou un sentiment d'abandon qui pourrait causer de la souffrance à tous.
Se préparer à la fin de vie
Se préparer à la fin de vie de son proche est une étape délicate du processus de deuil blanc. D'autant plus que les aidants endossent une grande responsabilité. En tant qu'interlocuteurs privilégiés du personnel médical, ils participent aux décisions concernant les options de soins et traitements, les projets de fin de vie de leur proche, ainsi qu'à la mise en place des soins palliatifs[2]… Dans l'objectif de rallonger son espérance de vie et d'améliorer sa qualité de vie.
Pour canaliser le stress et l'anxiété qui accompagnent cette période, l'accompagnement par des professionnels de la santé, une doula de fin de vie et des spécialistes en soins palliatifs est indiscutable. Ces experts sont en mesure d'anticiper les besoins d’une personne âgée en fin de vie et d'aider les aidants à prendre les meilleures décisions concernant les soins à fournir.
Contrairement au processus de deuil traditionnel, entouré de rituels tels que les funérailles, les discours d'adieu et les rassemblements où la tristesse est partagée, le deuil blanc ne comporte pas de rituel établi. C'est un processus solitaire, inconscient et progressif vécu par l'aidant. Une situation souvent difficile à comprendre et à percevoir pour l'entourage extérieur, car le proche est encore physiquement présent. Pourtant, à chaque étape du deuil blanc, le soutien est la clé pour tenir bon.
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[1] Fin de vie
La fin de vie est la phase où une personne se prépare à la mort, avec un accompagnement pour soulager la douleur et offrir du confort.
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[2] Soins palliatifs
Les soins palliatifs sont des soins qui visent à soulager la douleur et à apporter du confort aux personnes atteintes de maladies graves, en les soutenant, ainsi que leur famille.
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Difficile à supporter ce deuil blanc.. sentiment d’abandon et de grande solitude.
Ce message précédent est exact.
Très dur à vivre .solitude abandon et deprime en plus
Bonjour Madame,
Je vous remercie pour votre commentaire.
Je suis désolé d’apprendre que vous traversez une période difficile. Il est important de chercher du soutien auprès de professionnels de la santé et de vos proches pour vous aider.
Bonne journée.
Amandine