L'intestin est-il réellement notre « deuxième cerveau » ? Cette idée se vérifie au fil de nouveaux liens trouvés entre notre système digestif et notre santé mentale. Après avoir exploré les connexions entre l'intestin et des conditions telles que l'autisme, la dépression[1] et l'obésité, la science révèle que la maladie d'Alzheimer[2] pourrait également trouver son origine dans nos intestins. 

Cette hypothèse, avancée pour la première fois par des chercheurs suisses et italiens en 2020, a été confirmée par une étude récente de l'Université du Wisconsin en 2023. Pour la première fois, des scientifiques ont réussi à transférer les symptômes de la maladie d'Alzheimer à un animal sain en utilisant le microbiote intestinal de patients. Explications.

Quel lien entre le microbiote intestinal et les démences ?

Le microbiote intestinal, composé de milliards de micro-organismes non pathogènes comme des virus et des bactéries, influence notre système digestif, mais aussi notre cerveau.

L'influence de l'intestin sur le cerveau

Une étude de cinq ans menée par des chercheurs genevois et napolitains a découvert une interaction entre le microbiote et le cerveau, potentiellement impliquée dans le développement de troubles cognitifs, depuis le déficit léger jusqu’à des stades plus sévères de démences, comme la maladie d’Alzheimer et celle de Parkinson.

Les chercheurs ont administré un cocktail bactérien à 89 participants âgés de 65 à 85 ans, dont certains prédisposés à développer la maladie d'Alzheimer[2] et d'autres ayant une mauvaise alimentation.

lien entre microbiote intestinal et la maladie d'Alzheimer

Résultats : les individus atteints d’Alzheimer[2] présentaient un microbiote intestinal altéré comparé à ceux non atteints de démence, avec :

  • Une diminution de la diversité du microbiote.
  • Une augmentation de la neuroinflammation.
  • Une perturbation de la barrière hémato-encéphalique, qui sépare le sang du cerveau.

En outre, les patients Alzheimer[2] souffraient d’une inflammation systémique du sang, potentiellement liée à certaines protéines du microbiote et à la formation de plaques amyloïdes.

La protéine amyloïde

À la fin des cinq années de recherche, en 2020, les scientifiques confirment la corrélation entre le microbiote et le développement de plaques amyloïdes dans le cerveau, caractéristiques de la maladie d'Alzheimer[2]. La protéine A-bêta, toxique pour les neurones, est présente en quantités anormalement élevées chez les malades d'Alzheimer[2]. De plus, une protéine similaire, présente dans le microbiote intestinal, peut se propager au cerveau via le nerf vague, augmentant ainsi la neuroinflammation et les niveaux de protéines amyloïdes.

D'après les chercheurs, ces changements dans le microbiome (l'ensemble des microbes dans l'intestin) peuvent provoquer une inflammation légère mais continue, responsable de dommages progressifs des barrières de notre corps, y compris celle qui protège notre cerveau.

Le déséquilibre du microbiote, annonciateur de la maladie d'Alzheimer ?

Pour vérifier la théorie selon laquelle, l'inflammation est un des mécanismes par lequel la démence se produit, une équipe internationale de chercheurs à l'université du Wisconsin tente une transplantation animale en 2023.

La transplantation du microbiote intestinal 

L'idée consistait à transplanter le microbiote intestinal de patients Alzheimer[2] et de sujets sains à de jeunes rats en bonne santé. Les résultats ont montré que les symptômes de la maladie, comme les troubles de la mémoire, étaient effectivement transmis aux animaux, confirmant le rôle du microbiote intestinal.

D'autres chercheurs, dirigés par Margo Heston, ont testé la calprotectine, un indicateur d'inflammation, dans les selles des individus. Ils ont constaté que ceux avec des plaques amyloïdes avaient des niveaux plus élevés de calprotectine. De plus, ces personnes obtenaient de moins bons résultats aux tests de mémoire.

Une altération de la production de neurones dans l’hippocampe

Pour réaliser cette expérience, 69 patients atteints par Alzheimer[2] et 64 témoins sains ont donné leur sang et des échantillons de selles. Le microbiote des rats a été appauvri par des antibiotiques avant la transplantation. Un premier groupe de rats a reçu le microbiote intestinal des personnes saines et l'autre groupe, le microbiote intestinal des patients malades. En fin d'expérience, les rats du dernier groupe ont présenté des troubles de la mémoire et de l'humeur, liés à une réduction de la neurogenèse hippocampique adulte (la génération de nouveaux neurones dans l'hippocampe).

L'axe microbiote-intestin-cerveau

recherche lien entre problème digestif et démence

Les bactéries intestinales libèrent différentes substances, dont des acides gras à chaînes courtes. Certains de ses composés peuvent atteindre le cerveau par voie sanguine, ce qui provoque une dégénérescence au niveau de la perte de la mémoire immédiate observée dans la maladie d'Alzheimer[2].

Pour simplifier l'étude des déséquilibres (ou dysbiose) pouvant affecter cette communauté fragile, les scientifiques utilisent le ratio entre les bactéries du groupe des Firmicutes et celles du groupe des Bacteroides. Ce ratio varie en fonction de l'âge et des pathologies. Par exemple, le microbiote d'un adulte en bonne santé contient cinq fois plus de Firmicutes que de Bacteroides, un ratio qui augmente encore chez les personnes âgées et celles obèses.

Cette inflammation légère mais chronique, cause des dommages subtils et progressifs qui finissent par interférer avec la sensibilité des barrières de notre corps.

Une fois encore, ces dernières recherches prouvent que des changements dans le microbiote intestinal pourraient prédire la maladie d'Alzheimer[2]. Si, au niveau préventif, cela renforce l'intérêt d'avoir une alimentation équilibrée, riche en fibres, en aliments fermentés et probiotiques… À l'université Washington de St. Louis, un groupe de chercheurs étudie le microbiote intestinal comme biomarqueur fiable d'un Alzheimer[2] pré-clinique, observant des différences notables entre le microbiote de volontaires sains et celui de volontaires au stade pré-clinique.

Sources

Explications du Dr. Lévy, Responsable Études et Recherche de la Fondation Vaincre Alzheimer[2].

Les résultats publiés dans Brain 

La revue spécialisée «Journal of Alzheimer[2]’s Disease».

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Commentaires (2)

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  1. Ivoire Maison

    Bjr, quels aliments faut-il acheter et préparer pour avoir un bon microbiote ?

    Répondre
    1. Amandine

      Bonjour,
      Merci pour votre commentaire,

      Pour un bon microbiote, mangez des fibres (légumes, fruits, céréales complètes), des probiotiques (yaourt, kéfir), des prébiotiques (ail, oignons), et des aliments fermentés (kimchi, choucroute). Évitez les aliments transformés et riches en sucres.

      Bonne journée,
      Amandine.

      Répondre

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