Inattention, oublis répétés, désorientation… Et si toutes ces petites distractions étaient les prémices d’une dégénérescence ? Ignorer les premiers signes de son déclin ou celui d’un proche est une réaction humaine naturelle pour se protéger d’une réalité difficile à accepter. Pour beaucoup, reconnaître les symptômes d’une maladie dégénérative à travers les pertes de mémoire ou les troubles du comportement suscite un choc émotionnel qui remet en question son avenir et son autonomie. Pourtant, persister dans le déni expose le malade et l’aidant à des risques sérieux…

Comprendre le déni de démence 

Face à sa propre dégradation ou au déclin cognitif d’un proche, le déni est le mécanisme de défense émotionnelle pour se préserver temporairement d’un bouleversement profond.

Les causes du déni de démence

Si les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’un autre trouble cognitif n’ont parfois pas conscience de leur dégénérescence (anosognosie), les proches peuvent aussi ignorer les signes de démence. Il y a plusieurs raisons à ce comportement :

  • La peur de perdre une relation : face au changement d'identité à venir, la personne préfère préserver son image d’avant la maladie.
  • Le manque d'information et la confusion entre signes de démence et vieillissement naturel poussent souvent à minimiser ou à banaliser les symptômes.

Les manifestations du déni 

faire un déni de démence

Au quotidien, la personne en déni va :

  • Éviter toute discussion sur ce sujet au risque de se mettre en colère, de faire comme si de rien n’était ou de s'agacer jusqu’à devenir agressif dès que l’on aborde le sujet.
  • Minimiser les symptômes : les personnes considèrent les oublis fréquents ou les confusions comme des événements banals et sans gravité, liés au vieillissement.
  • Rationaliser en trouvant des explications réconfortantes et non pathologiques aux signes observés – par exemple, en se disant : « C’est normal, tout le monde oublie parfois. »
  • Rejeter totalement les signes en refusant de croire à l’existence de la maladie, jusqu’à occulter les observations des professionnels de santé. 

Ignorer la démence : les risques pour l’aidant et le malade 

Quel que soit le comportement adopté, nier les signes de déclin met en danger la personne atteinte de démence.

Les dangers pour le malade 

Nos réactions face au déni, inconscientes soient-elles, peuvent devenir dangereuses pour nos proches malades.

  • Espacer les visites d’un proche pour éviter de se confronter à son déclin, c’est le priver d'interactions et d’échanges précieux pour retarder l’évolution des symptômes.
  • Le déni empêche de prendre les dispositions légales comme les procurations ou les directives anticipées, ce qui complexifie la gestion des soins médicaux, financiers et des décisions de fin de vie[1].
  • Le malade non surveillé peut oublier de payer des factures, ou ignorer des paiements hypothécaires… aux conséquences légales et financières graves.
  • Les risques de désorientation et la vulnérabilité d’un proche malade en déni sont des risques de chutes et d’accidents non anticipés. 
  • Ignorer la maladie, c’est aussi minimiser l’importance des soins et le suivi des prescriptions, avec des risques de surdosage ou de prise incorrecte, ainsi qu’à négliger la nutrition.
  • Les personnes en déni de leur démence continuent des activités dangereuses (comme la conduite ou la cuisine) et entraînent des accidents mettant en danger non seulement leur sécurité, mais aussi celle des autres.
  • Ignorer la démence d’un proche, c’est en faire une cible facile pour des abus de types arnaques, fraudes financières et violence physique et psychologique.

Les conséquences pour les aidants 

En tant qu'aidant, refuser les faits entraîne de lourdes conséquences autour de soi.

  • Les conflits familiaux : le déni dans une famille entrave la création d'un plan de soins efficace et cause des désaccords importants. Les membres de la famille qui occultent leurs responsabilités, laissent les membres conscients de la situation assumer seuls la charge des soins.
  • Le burn out : les aidants en déni ne reconnaissent pas avoir besoin d'aide au risque de s'épuiser physiquement et émotionnellement. Refuser d’en parler avec l’entourage entraîne un isolement social du malade et des aidants et retarde le recours à un soutien professionnel.

LIRE AUSSI : Les secrets pour prévenir le burn out de l'aidant familial

Comment surmonter le déni face à la démence ?

Sortir du déni est la seule solution pour offrir un soutien adapté au malade comme aux aidants… À condition d’être délicat et efficace. 

1. Accepter et reconnaître les signes

Bien que difficile, accepter que les signes de démence sont réels est la première étape. 

  • Apprenez à observer objectivement les changements qui se produisent chez la personne malade pour mieux comprendre la situation et s’y préparer.
  • Renseignez-vous sur les symptômes de la démence afin d’être capable de distinguer les comportements liés à la maladie de simples signes de vieillissement.
  • Découvrez les 5 façons de cacher un déclin cognitif. 
aidant et proche atteint de démence

Reconnaître ces signes ne signifie pas imposer la réalité à tout prix, mais plutôt accepter que le changement fait partie du processus de vieillissement ou de la maladie. 

2. Chercher des ressources professionnelles

Pour mieux comprendre et reconnaître la démence, rapprochez-vous des professionnels (médecins, psychologues, gériatres, etc.) pour obtenir un diagnostic et des conseils personnalisés. 

En plus de clarifier la nature de la maladie, ces experts vous guideront sur la manière de réagir, vous donneront des conseils pratiques sur les aides disponibles (soins médicaux, soutien psychologique ou aménagements à faire à domicile). 

3. Communiquer avec empathie et patience

Au lieu de se confronter brutalement avec le proche, offrez-lui un espace d’écoute sans jugement. Par exemple, au lieu de dire : « Regarde, tu t’es mal boutonné, tu n’y arrives plus », proposez plutôt : « Si tu veux, je peux t’aider à t’habiller », tout en respectant son choix de refuser. Cette approche bienveillante évite qu'elle se sente attaquée et lui permet d'accepter un soutien, « pour nous », comme si elle nous faisait une faveur.

4. Accepter que ce n’est pas sa vie

Le déni cache souvent la peur inconsciente de se voir décliner en même temps que l'autre. Pourtant, ce n’est pas votre vie qui est en jeu. Prendre un peu de distance émotionnelle est essentiel pour éviter une souffrance inutile. Accepter cette situation, c'est reconnaître que chaque âge a son rythme. Un octogénaire n’aura pas les mêmes envies ou l’énergie d’un quadragénaire. Ce recul aide à mieux comprendre et à accepter les réactions de votre proche malade.

5. Être indulgent avec soi-même

Surmonter le déni ne signifie pas être irréprochable, ni exempt de préoccupations ou de tristesse face à la situation. Affronter le déclin cognitif ou le vieillissement avancé est un défi qui demande de la bienveillance envers soi-même. Le déni de la démence est un processus complexe qui, comme tout cheminement difficile, requiert du temps, de la compréhension et une grande dose de patience, autant envers soi-même qu’envers l’autre.

Lorsqu’un être cher est touché par la démence, reconnaître et accepter la gravité de la situation peut sembler insurmontable. Surtout qu’ignorer le problème risque d’aggraver les choses et de fragiliser les liens avec la personne malade. Cette épreuve n’a pas à être affrontée seul(e). La prise en charge de la démence est un parcours collectif avec l’appui et l’expertise d’une équipe multidisciplinaire, capable d’accompagner efficacement la personne touchée et de soutenir ses proches.

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