La démence fronto-temporale (DFT) est une maladie neurodégénérative assez rare. Elle se déclare à un âge moins avancé que les autres démences. Cette dégénérescence peut entraîner des changements de comportement et de personnalité, des troubles du langage ou des symptômes moteurs. Invalidante, la DFT est incurable, mais il existe des stratégies de prise en charge pour améliorer la qualité de vie des patients.
Qu’est-ce que la démence fronto-temporale ?
La démence fronto-temporale (DFT) fait référence à un ensemble de maladies causées par la perte progressive de cellules nerveuses dans
- les lobes frontaux du cerveau (les zones situées derrière le front et impliquées dans les fonctions exécutives) ou
- les lobes temporaux (derrière les oreilles).
Les lésions des cellules nerveuses causées par la démence fronto-temporale entraînent un rétrécissement des lobes et un déclin des fonctions contrôlées par ces régions cérébrales. La maladie affecte ainsi :
- le comportement,
- la personnalité,
- les mouvements,
- le langage.
La démence fronto-temporale (DFT) est une pathologie relativement rare. Elle est responsable d’environ 10 à 20 % des démences. Cependant, les dégénérescences fronto-temporales font partie des démences les plus courantes frappant des personnes relativement jeunes. Les symptômes se déclarent en général entre 40 et 65 ans. La DFT peut toutefois affecter les jeunes adultes et les personnes plus âgées.
Quels sont les symptômes de la démence fronto-temporale ?
Les principaux symptômes de la démence fronto-temporale sont les suivants :
- changements de comportement et de personnalité,
- troubles du langage et de la parole,
- troubles moteurs.
En fait, les symptômes et leur ordre d’apparition varient fortement d’une personne à l’autre et surtout en fonction du type de DFT dont elle est atteinte. Par ailleurs, ils évoluent au fil de la progression de la pathologie.
La démence fronto-temporale comportementale
La forme la plus courante de démence fronto-temporale est la variante comportementale. Celle-ci implique des changements de personnalité, de comportement et de jugement.
Les personnes atteintes de ce type de DFT peuvent présenter des troubles cognitifs, mais leur mémoire est souvent préservée.
Les symptômes de la démence fronto-temporale comportementale sont les suivants :
- Problèmes de planification et de séquençage (réflexion sur les étapes à suivre dans un ordre spécifique) ;
- Jugement altéré ;
- Difficulté à prioriser les tâches ou les activités ;
- Répétitions d’une même activité ou d’un même mot ;
- Impulsivité et désinhibition : le patient dit ou fait des choses inappropriées sans tenir compte de la façon dont les autres perçoivent le comportement ;
- Désintérêt pour la famille ou des activités qu’il appréciait auparavant. Cette « apathie » peut facilement être confondue avec une dépression ;
- Perte de l’empathie et d’autres aptitudes interpersonnelles. La personne devient insensible aux sentiments d’autrui ;
- Déclin de l’hygiène ;
- Modification des habitudes alimentaires. Le patient mange trop ou développe une préférence pour la nourriture sucrée. Il peut lui arriver de consommer des choses non comestibles.
Au fil du temps, des troubles du langage ou du mouvement peuvent survenir. L’individu aura alors besoin de soins et de supervision. Un accueil en maison de retraite médicalisée est souvent recommandé à ce stade.
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L’aphasie primaire progressive ou forme langagière
L’aphasie primaire progressive (APP) est une maladie entraînant des troubles de la communication. Les personnes atteintes de cette variante rencontrent des difficultés croissantes à utiliser le langage pour parler (aphasie), lire, écrire et comprendre ce que les autres disent. Les patients peuvent devenir muets ou incapables de parler. C’est de cette forme de DFT que souffre l’acteur Bruce Willis.
Il existe trois types d’APP :
- l’aphasie primaire progressive sémantique (fluente) ou démence sémantique : le patient perd peu à peu la capacité de comprendre le sens des mots uniques. Ses connaissances d’ordre général déclinent. En outre, il rencontre des difficultés à reconnaître les objets communs ou les visages de personnes familières ;
- l’aphasie primaire progressive agrammatique (non fluente) : le patient a de plus en plus de mal à parler. Il commet des erreurs de grammaire ou de choix des mots. Finalement, il peut en arriver à perdre entièrement la capacité de parler. Elle précède souvent la dégénérescence lobaire fronto-temporale (DLFT) ;
- l’aphasie primaire progressive logopénique : le malade peine à trouver les bons mots au cours d’une conversation, mais il peut comprendre les mots et les phrases. Il ne rencontre pas de problèmes de grammaire. Ce variant peut annoncer le développement de la maladie d’Alzheimer.
Les troubles du mouvement
Deux troubles neurologiques moteurs rares sont associés à la démence fronto-temporale. Ils surviennent lorsque les parties du cerveau qui contrôlent les mouvements sont affectées.
Le syndrome cortico-basal
Il se traduit par une perte progressive de la capacité de contrôler les mouvements et se déclare généralement à partir de l’âge de 60 ans.
Les symptômes de la dégénérescence cortico-basale sont les suivants :
- Apraxie : incapacité à utiliser les mains ou les bras pour effectuer un mouvement intentionnel, malgré une capacité motrice préservée,
- Rigidité musculaire,
- Difficultés à avaler.
Les symptômes peuvent d’abord apparaître d’un côté du corps, mais ils deviennent bilatéraux.
Parfois, le patient souffre d’abord de troubles du langage ou rencontre des difficultés à orienter des objets dans l’espace. Ce n’est que par la suite qu’il développe des symptômes moteurs. Les malades atteints d’un syndrome cortico-basal ne présentent pas tous des troubles de mémoire, de cognition, de langage ou de comportement.
La paralysie supranucléaire progressive
Cette maladie neurodégénérative est également associée à la démence fronto-temporale. Elle entraîne des troubles de la vision et une perte d’équilibre en marchant.
Les symptômes de la paralysie supranucléaire progressive (PSP) sont les suivants :
- Difficulté à déplacer les yeux : difficultés à regarder vers le haut ou le bas, visage peu expressif ;
- Problèmes d’équilibre et de marche : déplacements plus lents, chutes fréquentes ;
- Rigidité musculaire ;
- Déglutition difficile ;
- Troubles de la parole, qui devient plus lente et faible ;
- Changements de personnalité et d’humeur : apathie, dépression ou changements de personnalité ;
- Troubles cognitifs, sur le plan de la mémoire, la concentration et la résolution de problèmes.
La dégénérescence fronto-temporale peut aussi être associée à la maladie de Charcot (SLA), se traduisant par une fonte musculaire.
Quelles sont les causes de la démence fronto-temporale ?
Les démences fronto-temporales se produisent lorsque des protéines anormales s’agglomèrent et forment des agrégats dans les cellules du cerveau appelées les « neurones ».
Les protéines responsables de ces pathologies sont généralement :
- la protéine tau – les agrégats de protéine tau sont appelés des « corps de Pick ». Dans ce cas, on parle de maladie de Pick ;
- la progranuline et la protéine TDP-43 ;
- la protéine FUS.
L’apparition de ces agrégats est souvent due à une mutation génétique. Environ 50 % des démences fronto-temporales sont considérées comme héréditaires (formes familiales). Les mutations génétiques peuvent également apparaître spontanément, c’est-à-dire qu’elles ne viennent pas d’un gène hérité des parents.
Outre l’hérédité, deux facteurs de risque ont été mis en évidence :
- les traumatismes crâniens multiplient par trois le risque de développer une DFT,
- une maladie de la thyroïde multiplie les risques par 2,5.
Comment sont diagnostiquées les démences fronto-temporales ?
La démence fronto-temporale peut être diagnostiquée par un neurologue.
La consultation comportera :
- Un interrogatoire sur les symptômes et les antécédents médicaux du malade et de la famille,
- Un examen physique,
- Un examen neurologique et des tests cognitifs.
Le neurologue cherchera à éliminer d’autres causes possibles des symptômes observés. Il est d’ailleurs difficile de diagnostiquer la DFT, car les changements de comportement peuvent être subtils au début. En outre, ils sont souvent mis sur le compte d’une dépression ou d’autres troubles psychiatriques, comme la schizophrénie ou les troubles obsessionnels compulsifs.
Le médecin demandera également la réalisation de plusieurs examens de laboratoire et d’imagerie :
- Tomodensitométrie informatisée (Scan CT) : le scanner permet de visualiser les zones cérébrales présentant une atrophie (diminution de volume) et des lésions,
- Imagerie par résonance magnétique (IRM),
- Tomographie par émission de positons (PET) : elle permet de mesurer l’activité cérébrale,
- Ponction lombaire : pour effectuer un diagnostic différentiel avec la maladie d’Alzheimer, en cherchant la présence de biomarqueurs dans le liquide cérébro-spinal (LCS),
- Analyses sanguines : également pour la recherche de marqueurs biologiques et afin d’écarter d’autres troubles.
Quel est le traitement de la maladie fronto-temporale ?
Il n’existe actuellement aucun traitement permettant de guérir la démence fronto-temporale. La prise en charge se concentre sur la gestion de certains symptômes et l’adaptation à la vie avec la maladie.
La mise en place d’un protocole de soins
Avant le début du traitement, le médecin et les professionnels de santé évaluent les besoins futurs du patient et élaborent un plan de soins personnalisé.
Ils examinent :
- le soutien dont le malade et son aidant ont besoin pour demeurer aussi autonomes que possible, notamment des services d’aide et de soins à domicile ou un accueil en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ;
- les adaptations à effectuer au domicile pour faciliter la vie au quotidien et éviter les accidents ;
- les traitements médicamenteux ou non les plus adaptés.
Les médicaments
Il n’existe pas encore de médicament susceptible d’arrêter la progression de la démence fronto-temporale. Mais il est possible de soulager plusieurs symptômes.
Les antidépresseurs
Les antidépresseurs de type inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) contribuent à contrôler les symptômes suivants :
- perte d’inhibition,
- suralimentation,
- comportements compulsifs.
Les antipsychotiques
Bien que rarement utilisés, les antipsychotiques peuvent s’avérer nécessaires si les ISRS ne sont pas efficaces. Ces médicaments aident à contrôler les comportements très difficiles mettant en danger le malade ou son entourage. Ils doivent être utilisés avec prudence.
Les médicaments pour Alzheimer déconseillés
Les médicaments couramment utilisés pour traiter d’autres types de démence (dont la maladie d’Alzheimer) ne sont pas recommandés pour les personnes atteintes de DFT.
Ces médicaments, connus sous le nom d’inhibiteurs de la cholinestérase (par exemple : donépézil, rivastigmine, galantamine) peuvent en fait aggraver les symptômes de la démence fronto-temporale.
Soutien et autres thérapies
Il existe un certain nombre de thérapies et de stratégies susceptibles de faciliter la vie quotidienne d’une personne atteinte de DFT.
Les thérapies non médicamenteuses de la démence fronto-temporale sont les suivantes :
- Ergothérapie – pour travailler sur diverses difficultés du quotidien et aménager le logement ;
- Orthophonie – pour améliorer les problèmes de communication ou de déglutition ;
- Physiothérapie – pour aider avec les difficultés de mouvement ;
- Techniques de relaxation – comme le massage, la musique ou la danse-thérapie
- Interactions sociales ou activités de loisirs – notamment dans les cafés démence, sortes de rencontres pour les malades et leurs aidants permettant d’obtenir du soutien et des conseils ;
- Stratégies pour faire face aux comportements difficiles – notamment des techniques de distraction, une routine quotidienne structurée et des activités comme faire des puzzles ou écouter de la musique…
Questions fréquentes
Quelle est la différence entre la maladie d’Alzheimer et la démence fronto-temporale ?
Il existe plusieurs caractéristiques distinguant la démence fronto-temporale de la maladie d’Alzheimer.
- L’âge au moment du diagnostic est généralement différent. La plupart des personnes atteintes de DFT sont diagnostiquées entre 40 et 65 ans. La maladie d’Alzheimer, en revanche, devient plus fréquente avec l’âge.
- Les pertes de mémoire ont tendance à être un symptôme plus important au début de la maladie d’Alzheimer que dans les premiers stades de la DFT. En phase terminale de la démence fronto-temporale, on observe davantage de troubles de la mémoire.
- Les changements de comportement sont souvent les premiers symptômes visibles de la démence fronto-temporale comportementale (la forme la plus fréquente). Ils apparaissent à un stade plus avancé de l’évolution de la maladie d’Alzheimer.
- Les problèmes d’orientation spatiale sont plus courants chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer que chez les malades présentant une DFT.
- Les problèmes d’élocution : les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer peuvent peiner à trouver le bon mot ou à se souvenir des noms. Néanmoins, elles rencontrent moins de difficultés à s’exprimer, à lire et à comprendre autrui que les malades atteints de démence fronto-temporale.
- Les hallucinations et les délires sont relativement fréquents à mesure que la maladie d’Alzheimer progresse, mais relativement rares dans la DFT.
Comment la démence fronto-temporale évolue-t-elle ?
La progression des symptômes varie d’une personne à l’autre. La maladie est dégénérative et entraîne donc une perte d’autonomie inévitable. La durée d’évolution de la démence fronto-temporale peut varier de 2 ans à plus de 20 ans.
À mesure que la maladie progresse, l’individu peut éprouver des difficultés croissantes à planifier ou à organiser des activités. Il se comporte de façon de plus en plus inappropriée dans un contexte social ou professionnel (variante comportementale). Il a de plus en plus de mal à communiquer avec les autres ou à entretenir des relations avec ses proches.
La démence fronto-temporale au stade terminal prédispose le patient à des complications pouvant entraîner un décès prématuré :
- pneumonie,
- infection,
- blessure causée par une chute.
Quelle est l’espérance de vie avec une démence fronto-temporale ?
Le pronostic de la démence fronto-temporale varie considérablement d’un malade à l’autre et surtout d’une forme de DFT à l’autre.
L’espérance de vie moyenne va de 2 ans et demi pour la DFT avec maladie de Charcot à un peu plus de 8 ans pour la démence fronto-temporale à variante comportementale (Kansal, 2016). À titre de comparaison, l’espérance de vie moyenne avec la maladie d’Alzheimer est d’un peu moins de 7 ans.
Variante | Espérance de vie (en années) |
---|---|
DFT avec maladie de Charcot | 2,50 |
DFT comportementale | 8,17 |
Aphasie primaire progressive agrammatique (non fluente) | 8,11 |
Démence sémantique | 7,45 |
Paralysie supranucléaire progressive | 6,38 |
Syndrome cortico-basal | 6,40 |
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Merci je m’intéresse beaucoup à ce sujet de la maladie étant concernait pas la maladie de mon papa
Bonjour, merci pour votre pronostic vital (« La durée d’évolution de la démence fronto-temporale peut varier de 2 ans à plus de 20 ans. »), ma mère en étant touchée, au stade précoce, ce qui explique cependant le comportement d’achats compulsif qu’elle a eu toute sa vie.
d’achats *compulsifs, avec les comportements compulsifs liés à la DLFT.
Quelle est la principale chose à faire pour protéger la malade en cas de perte de son mari d’une crise cardiaque? (n’étant pas capable de téléphoner)
Bonjour
Je vous remercie pour votre commentaire.
Il faudrait établir un plan d’action d’urgence en fournissant des informations aux voisins ou à la famille proche pour qu’ils soient alertés en cas de besoin.
Bonne journée.
Amandine